Quelle surface de terres arables faut-il pour produire une assiette de spaghettis à la bolognaise ? Comment le coton de nos vêtements pousse-t-il et pourquoi les vers de terre sont-ils si précieux ? Le « Champ du Monde de Berne » près de l’INFORAMA Rütti à Zollikofen répond à ces questions et à bien d’autres. Le Champ du Monde est une surface cultivable de 2000 m² dont dispose chaque personne selon un calcul simple. fenaco soutient ce projet.
La nouvelle clôture en bois de l’INFORAMA Rütti à Zollikofen (BE) semble s’étendre sans fin. Les lattes de bois sont alignées à perte de vue, les unes après les autres. Elles délimitent le nouveau « Champ du Monde », troisième du genre en Suisse ouvert près du centre de formation professionnelle et de compétences pour l’agriculture du canton de Berne. Le Champ du Monde fait 2000 m² et correspond à la surface cultivable moyenne dont dispose une personne : si on divise les 1,5 milliard d’hectares de terres arables mondiales par les 7,5 milliards de personnes, chacun recevrait 2000 m². Toujours dans cette logique, chaque personne possède en outre environ 4400 m² de pâturages et 5000 m² de forêt ainsi que 5500 m² de surfaces diverses pour les eaux intérieures, les logements ou les autoroutes.
Tout ce dont nous avons besoin pour vivre pousse sur ces 2000 m² de terres arables : par exemple, du blé pour le pain ou les spaghettis, du riz, des pommes de terre, des fruits et des légumes, du maïs et du soja comme plantes fourragères pour les animaux, des betteraves sucrières pour le sucre du café, du tabac, du coton, des tournesols pour l’huile alimentaire ou des matières premières renouvelables pour l’industrie.
Le troisième Champ du Monde suisse
Le premier Champ du Monde a vu le jour à Berlin en 2013 (voir encadré). Il sert d’exemple aux Champs du Monde suisses. Tous les Champs du Monde ont pour but de montrer l’étendue de l’agriculture mondiale aux visiteuses et visiteurs et de leur expliquer les répercussions du comportement humain sur la biodiversité et le climat. Les visiteuses et les visiteurs découvrent les cultures agricoles qui y poussent, le travail et l’entretien nécessaires ainsi que la destination finale de la récolte : la maison, le supermarché ou la poubelle. « Le Champ du Monde est une illustration concrète. Il montre ce que représentent réellement 2000 m². Ici, les gens découvrent de leurs propres yeux quelles plantes poussent dans quelles conditions. Tout ce qu’il y a à savoir sur les grandes cultures est transmis ici », se réjouit Heinz Mollet, Chef de la Division Agro chez fenaco. En collaboration avec IP-SUISSE, l’Association suisse des paysannes et paysans pratiquant la production intégrée et reconnaissable à son sceau de qualité à la coccinelle, fenaco a sponsorisé les quelque 500 m de clôture du troisième Champ du Monde suisse. Pour cela, IP-SUISSE a acheté la clôture dans les magasins LANDI de Zollikofen et des environs et l’a enfoncée manuellement dans le sol. « Six cofondateurs d’IP-Suisse, tous des hommes proches de l’âge de la retraite, ont participé activement à l’installation. Cela valait la peine de transpirer pour une bonne cause », sourit Daniel Nicklaus, cofondateur d’IP-SUISSE.
Contrairement aux deux premiers Champs du Monde suisse de Nuglar (SO) et d’Attiswil (BE) qui se trouvent en zone rurale, le dernier Champ du Monde suisse se situe en périphérie de Berne, à proximité de la population urbaine. « Du fait de sa situation, le Champ du Monde de Berne met les thèmes ruraux à la portée des citadines et des citadins. Les champs et les jardins de ce monde réunissent une diversité incroyable de plantes cultivées dont seules quelques-unes sont réellement connues », se réjouit Hans Reinhard, membre du Comité du Champ du Monde de Berne et responsable du ressort Gestion du champ. Les visiteuses et les visiteurs pourront véritablement examiner le Champ du Monde à la loupe et découvrir les différents composants de la production de denrées alimentaires grâce aux visites du champ et aux panneaux thématiques. Des bases de l’agriculture et de la pédologie à la récolte et au compost en passant par les semences et la pollinisation. Ils verront aussi comment se déroule la récolte du riz ou assisteront à la fabrication de pain à partir du blé.
Les 50 principales cultures agricoles
Le Champ du Monde de Berne se distingue par le fait que les 50 principales cultures y ont leur place. Et cela dans les proportions que l’on retrouve sur les 1,5 milliards d’hectares dans le monde. « Grâce à ces cultures, nous avons ce dont nous avons besoin pour vivre : 44,4 % des produits cultivés aboutissent dans notre assiette, 37,8 % dans l’auge des animaux et 17,8 % servent à la production d’énergie, de vêtements ou d’autres biens de consommation », estime Hans Reinhard. A noter : la moitié du Champ du Monde est consacrée à la culture de quatre plantes seulement : le blé, le maïs, le riz et le soja. A l’exception du riz, seule une infime partie des grandes monocultures du monde est directement destinée à notre alimentation. L’essentiel est transformé en fourrage pour les animaux ou en carburant, en énergie et en matières premières industrielles. Les fruits et les légumes représentent chacun moins de 5 % du Champ du Monde.
Les plantules du Champ du Monde de Berne sont encore jeunes. Elles semblent un peu perdues sur les 2000 m², une surface équivalant à la place fédérale à Berne ou à un tiers d’un terrain de football. Les premières graines de céréales, de fèves, de petits pois ou de colza de printemps ainsi que les pommes de terre ont été mises en terre fin mars. Les prairies servent de limite naturelle entre les cultures. Conformément aux règles de l’organisation européenne des Champs du Monde, les cultures respectent les principes de l’agriculture biologique ou agroécologique. « Un tiers de notre Champ du Monde est déjà cultivé. C’est aujourd’hui le dernier jour des saints de glace et nous pourrons donc planter dans les prochains jours des cultures sensibles au froid telles que le riz et le maïs », explique Hans Reinhard. Mais le climat suisse ne convient pas à toutes les plantes. La canne à sucre, par exemple, demande une température d’environ 20 °C toute l’année. C’est pourquoi les responsables du champ de Berne planteront du sorgho sucrier en lieu et place. « Les bananiers et les anacardiers ne porteraient pas non plus de fruits chez nous. Nous avons planté des cotonniers, des arachides et un caféier – ils sont encore dans la serre. Je suis curieux de voir si les fruits arriveront à maturité chez nous », explique Hans Reinhard. Les défis des responsables du champ dans ces cultures font prendre conscience aux visiteuses et les visiteurs sur les zones climatiques dans lesquelles leurs 2000 m² personnels se trouvent : en Suisse ou plutôt dans un pays lointain. Tout dépend de la composition du petit déjeuner : café et banane ou lait et morceau de pain.
1,9 m² pour des spaghettis à la bolognaise
En outre, les personnes intéressées peuvent se pencher sur la question de la superficie du Champ du Monde nécessaire à un repas à l’aide d’une calculatrice et d’un « buffet de surface ». Le muesli du petit déjeuner avec ses flocons d’avoine et ses fruits, par exemple, nécessite 0,8 m² de terres arables. Les spaghettis à la bolognaise, par contre, ont besoin de 1,9 m² et l’escalope accompagnée de pommes de terre sautées 2,65 m². Les denrées alimentaires d’origine animale comme la viande, les œufs et le lait prennent plus de place que les aliments végétaux. En effet, les animaux ne se nourrissent pas ou ne se contentent pas d’herbe et ont également besoin de fourrage issu des céréales, du maïs et du soja.
Comme la population mondiale ne cesse d’augmenter alors que la Terre ne grandit pas, la question d’une alimentation saine et durable pour tous se pose inévitablement. Des terres arables disparaissent partout dans le monde tandis que de nouvelles sont créées ailleurs, par exemple à l’emplacement de pâturages ou par la déforestation. Le comportement humain, le type de gestion, l’habitat ou le changement climatique influence la quantité de surfaces agricoles. Si la superficie cultivable reste globalement identique jusqu’en 2050, date à laquelle nous serons plus de neuf milliards sur la planète, chacun disposera encore de 1500 m² de terres arables. Une promenade sur le Champ du Monde nous apprend que cette superficie suffit encore à nourrir une personne pendant toute une année. Mais nous devons changer nos habitudes et nos préférences.
Assistance de 20 quadrillions d’organismes
Les plantes ne poussent qu’avec un sol sain et fertile. Une fenêtre sur le sol et les racines permet d’observer l’intérieur du Champ du Monde. Près de 20 quadrillons d’organismes vivent sur le champ de 2000 m² : des milliers de milliards de microorganismes, des milliards de champignons, d’algues, d’organismes unicellulaires, des millions de nématodes et de néréides, de collemboles, d’acariens, des milliers de mille-pattes et de coccinelles, des milliers de fourmis, de cloportes et d’araignées traitent le sol et améliorent ainsi sa qualité. Les taupes, les souris et les oiseaux se nourrissent de ces petites bêtes. Le lieu héberge aussi une colonie d’abeilles qui pollinisent les fleurs en compagnie des bourdons et papillons. Les auxiliaires les plus zélés du Champ du Monde sont les vers de terre : ils retournent et aèrent la terre. Et leurs excréments constituent un véritable trésor pour le sol. Ils sont deux fois plus riches en minéraux que la terre, ce qui en fait un engrais naturel prêt à l’emploi. Le Champ du Monde de Berne doit même accueillir un élevage de vers de terre de l’espèce Eisenia fetida, le vers du compost. Ces vers de terre seront alors responsables de la dégradation de la matière en compost. Tous ces petits êtres vivants sont essentiels au bon fonctionnement de l’agriculture mondiale.
Ouverture du Champ du Monde de Berne
Samedi 15 mai 2021, de 11h00 à 17h00 près de l’INFORAMA Rütti à Zollikofen (BE)
La Suisse a ouvert son premier Champ du Monde en 2017 à Nuglar (SO) et plus tard à Attiswil (BE). Ces premiers champs et le nouveau Champ du Monde Berne suivent l’exemple de celui de Berlin créé en 2013 sur la base du Rapport sur l’agriculture mondiale de 2008. Pour simplifier, le message central de ce rapport était : nos sols produisent suffisamment pour tout le monde si nous respectons la nature et consommons de manière responsable. Le projet de Champ du Monde Berne a été initié par l’Ökonomische Gemeinnützige Gesellschaft Bern. L’INFORAMA et la Haute école spécialisée bernoise (BFH), la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires, collaborent étroitement et sont représentés au Comité de l’Association. Les responsables du champ, de la formation et de la communication assurent la réalisation du projet de formation du Champ du Monde Berne. Le Champ du Monde Berne est membre de l’Association faîtière Weltacker Schweiz.