Des gâteaux aux noix des Grisons à base de noix américaines ou d’Europe de l’Est ? Des agriculteurs·trices des cantons des Grisons, de Saint-Gall et de Lucerne se sont dit qu’il fallait en finir avec cette aberration. C’est ainsi qu’ils ont planté des noyers, fondé la coopérative swiss nuss et installé un site de production à Malans (GR).
En affûtant ses yeux, on découvre à Malans (GR) nombre de noyers à côté des vignes, au pied d’imposantes montagnes. Trois de ces vergers appartiennent à la famille Janggen. « Aujourd’hui, il y a 1300 arbres », dit en souriant Johannes Janggen. L’agriculteur, qui a repris l’exploitation au-dessus du village de ses parents, souhaitait axer ses activités davantage sur la production végétale. « Je cherchais une culture qui pourrait servir d’ingrédient pour les produits régionaux locaux et fasse par exemple en sorte qu’un gâteau aux noix des Grisons en soit vraiment un », explique-t-il. En effet, ce type de gâteaux ne contenait jusqu’alors presque pas de noix suisses, ce dont – comme le souligne l’agriculteur – très peu de gens étaient au fait. Et d’ajouter : « C’était là une opportunité pour moi, car les noix se développent bien dans les régions viticoles. »
Une installation unique
Johannes Janggen a trouvé des interlocuteurs animés par la même volonté chez Alpinavera, la faîtière responsable des produits régionaux certifiés, ainsi qu’au centre agricole Plantahof. Par ailleurs, une étude de faisabilité a montré que les noix se développaient bien dans les conditions climatiques du lieu et que les boulangeries étaient prêtes à payer un prix plus élevé pour des matières premières régionales. Quatre plateformes de producteurs cantonales indépendantes se sont alors formées et leur 14 membres (des agriculteurs·trices des cantons des Grisons, de Saint-Gall et de Lucerne) ont commencé à planter des noyers. En 2018, elles se sont regroupées pour former la coopérative « swiss nuss ». Il leur restait maintenant à résoudre un problème épineux : en Suisse, il n’y avait pas d’installation de cassage.
La coopérative a alors décidé d’acheter la plus petite installation possible dans cet Etat. Celle-ci forme aujourd’hui le coeur du site de production de Malans, où se trouvent aussi les dispositifs de tri, d’aspiration des coques et d’ensachage des noix. « La création de la coopérative et les investissements requis dans les installations ainsi que les bâtiments n’ont été possibles que grâce au soutien de diverses entités (particuliers, Confédération, cantons des Grisons, de Saint-Gall et de Lucerne, Aide suisse à la montagne et fenaco) », souligne Aron Candrian, le directeur de swiss nuss. David Käser, membre de la Direction de fenaco et chef de la Division LANDI commente : « Nous pensons que promouvoir la production indigène de noix, créant de la valeur ajoutée, mérite d’être soutenu. »
Depuis dix ans, fenaco collabore avec l’Aide suisse à la montagne dans le cadre de son programme fenaco Engagement, finançant des projets soutenus par cet organisme. « En recevant la demande d’aide pour l’installation de cassage à Malans, il était d’emblée évident que nous voulions contribuer au succès de cette initiative entrepreneuriale », se souvient David Käser.
300 kilogrammes par heure
Les machines de Malans fonctionnent en hiver, au printemps ainsi qu’en automne, pendant la récolte, tandis qu’en été, elles sont à l’arrêt. En effet, il fait alors trop chaud dans la halle de production : la graisse des noix resterait collée aux machines. L’installation de cassage traite jusqu’à 300 kg par heure : les noix quittent en craquetant l’entrepôt frigorifique sur des tapis roulants. Elles parviennent ensuite dans la machine de cassage dans un grondement sonore. Puis, les cerneaux passent en cliquetant à travers les différents tamis des installations de tri. Quant aux coques, qui sont plus lé-gères que les cerneaux, elles sont aspirées par un dispositif ad hoc muni d’un tuyau. Elle sont ensuite réutilisées sous forme de charbon végétal ; bientôt elles seront possiblement même valorisées comme combustible. En tant que directeur de la production, Johannes Janggen supervise les processus du centre de compétences. Sa femme Maja et deux collaborateurs payés à l’heure participent au contrôle final des cerneaux et de l’ensachage.
Un fruit polyvalent
Le directeur Aron Candrian s’occupe de commercialiser les noix de swiss nuss. « Nous pouvons compter sur nombre de boulangeries ou pâtisseries qui nous achètent chaque année des noix décortiquées », souligne-t-il. Les boulangeries Meier-Beck à Santa Maria dans le val Müstair (GR), La conditoria à Sedrun (GR) ainsi que Merz (dont le siège est à Coire [GR]) font partie des acheteurs de la première heure. « Tous les gâteaux aux noix que nous vendons dans nos dix magasins spécialisés sont composés à 100 % de noix de swiss nuss. Nous souhaitons aussi remplacer petit à petit les ingrédients d’autres produits par des noix suisses », explique Roni Merz, président de la Direction de Merz. On trouve aussi les gâteaux aux noix des Grisons avec des noix suisses dans un nombre croissant de magasins à la ferme.
« De plus en plus d’entreprises locales de transformation des aliments découvrent la qualité des noix suisses », constate avec plaisir Aron Candrian. Il aime aussi travailler avec Maja Janggen sur de nouveaux produits, comme les noix noires ou une pâte à base de noix à tartiner ou à utiliser en pâtisserie. « Avec ces produits, nous souhaitons mieux faire connaître la noix suisse et montrer sa polyvalence », ditil avec détermination, en exposant fièrement les produits dans le petit espace d’exposition de Malans.