Alors que le fossé politique ville-campagne s’est stabilisé, les différences perçues par la population se sont accentuées – voilà ce que révèle le deuxième baromètre ville-campagne. En revanche, la population est unanime au sujet de la sécurité de l’approvisionnement. La ville et la campagne souhaitent renforcer la production indigène. Pour les denrées alimentaires, une grande majorité souhaite augmenter le degré d’autosuffisance de 57 % aujourd’hui à plus de 70 % en moyenne, et pour l’énergie, le degré d’autosuffisance doit plus que doubler. Les vues sont toutefois divergentes en ce qui concerne les mesures concrètes.
Ville et campagne sont rarement aussi étroitement liées dans d’autres pays qu’elles le sont en Suisse. Par ailleurs, le champ de tensions entre ville et campagne imprègne tout particulièrement le discours politique dans notre pays. Afin de rendre plus tangible et mesurable le rapport entre ces deux univers, fenaco société coopérative a lancé en 2021, en collaboration avec l’institut de recherche Sotomo, le baromètre représentatif ville-campagne de fenaco. Cette deuxième édition témoigne aujourd’hui de l’évolution du champ de tensions sur le plan politique, social et économique.
Le fossé ville-campagne est plus fortement perçu par la population
Dans la perception de la population, le fossé ville-campagne s’est creusé de 3 points de pourcentage par rapport à 2021. Deux tiers des personnes interrogées observent un grand fossé entre les deux mondes. On note, en particulier, une augmentation de la proportion de personnes interrogées qui reconnaissent l’existence d’un large fossé entre ville et campagne tout en étant convaincues que la Suisse est tout à fait en mesure de surmonter un tel antagonisme. Elles sont ainsi 46 % à émettre cette opinion, contre 40 % auparavant. En revanche, si l’on prend les votations populaires fédérales comme critère de mesure, le fossé s’est stabilisé. Alors que les résultats des votes en 2020 et 2021 divergeaient fortement entre la grande ville et la campagne, ils se situaient à nouveau dans la moyenne pluriannuelle en 2022. L’initiative populaire sur l’élevage intensif constitue une exception. Elle fait partie du top 5 des votations présentant le plus grand écart entre ville et campagne depuis 1981 et symbolise particulièrement la controverse liée au thème de l’agriculture entre ville et campagne.
Les populations de la ville et de la campagne se sentent mutuellement incomprises
Même si les villes de grande taille sont souvent mises en minorité lors des votations, la majorité de la population pense toutefois que ce sont les villes qui font la pluie et le beau temps en Suisse. Pourtant, en comparaison avec 2021, les citadines et les citadins sont de plus en plus nombreux à considérer qu’ils ne sont pas suffisamment entendus à l’échelle nationale. Le pourcentage de personnes résidant dans de grandes villes qui pensent que les intérêts urbains ont reçu suffisamment d’attention à la campagne a fortement diminué, passant de 37 % à 28 %. A l’inverse, seuls 30 % de la population rurale se sentaient bien compris par les citadins en 2021. Cette proportion est tombée à 27 % en 2023.
Désir accru d’autosuffisance
La sécurité de l’approvisionnement a été très discutée pendant la pandémie de coronavirus. La guerre en Ukraine et la menace d’une pénurie d’énergie ont intensifié le débat. Le baromètre ville-campagne 2023 montre que la population suisse, quel que soit son lieu de résidence, souhaite un renforcement de la production indigène. L’écrasante majorité souhaite voir augmenter la proportion de denrées alimentaires produites en Suisse, et plus exactement de 57 % actuellement à 70 % en moyenne. Le degré d’autosuffisance énergétique doit plus que doubler, soit d’environ 30 % actuellement à près de 70 % en moyenne. Cette unanimité est une bonne base pour faire bouger les choses ensemble. Même s’il existe des différences notables dans les mesures concrètes, notamment en ce qui concerne les denrées alimentaires.
Davantage de production alimentaire indigène oui – intensification non
L’approche consistant à étendre la surface agricole utile pour augmenter la production indigène est surtout soutenue dans les campagnes. En revanche, l’augmentation de la production alimentaire d’origine végétale au détriment de celle d’origine animale rencontre un écho favorable principalement dans les villes. Une augmentation du rendement pour les mêmes surfaces est jugée de manière plutôt critique par les deux camps, le rejet étant toutefois plus important dans les zones urbaines. Seule la nouvelle méthode de production « agriculture verticale » est largement acceptée comme moyen pour exploiter plus intensivement une unité de surface. Une majorité de la population est aussi prête à créer les conditions nécessaires en matière d’aménagement du territoire pour que les infrastructures correspondantes puissent être mises en place non seulement dans les zones commerciales, mais aussi dans les entreprises agricoles. D’autres approches innovantes visant à augmenter les rendements, comme les denrées issues de cultures cellulaires et les procédés de sélection avec édition génomique, sont jugées avec réserve. Elles ne se heurtent toutefois pas à un refus systématique. Par exemple, seul un tiers des personnes interrogées est globalement opposé à l’édition génomique.
Le commerce de l’énergie local rencontre une forte adhésion
L’approvisionnement en énergie revêt une nouvelle urgence avec la guerre en Ukraine. Afin d’augmenter le degré d’autosuffisance énergétique, la population souhaite avant tout produire davantage d’énergie dans le pays et améliorer l’efficience énergétique grâce à des innovations. Pour la majorité de la population, renoncer n’est pas une option. Ce n’est que dans les grandes villes que 54 % des personnes interrogées souhaitent réduire leur consommation d’énergie. L’augmentation des installations photovoltaïques sur les bâtiments et les surfaces libres ainsi que la promotion de l’énergie hydraulique et éolienne sont clairement approuvées. Seuls 28 % des personnes interrogées se prononcent en faveur de nouvelles centrales nucléaires. Un commerce local et simplifié de l’énergie rencontre une forte adhésion des deux côtés du fossé ville-campagne. 64 % souhaitent que les commerçants ou les entreprises agricoles puissent vendre localement à d’autres consommateurs le surplus d’électricité qu’ils produisent eux-mêmes, au lieu de l’injecter dans le réseau énergétique de grands fournisseurs.