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Story 8 minutes

« Rien de plus passionnant que de faire bouger les choses par le leadership ! »

Christine Maier est avant tout connue pour sa carrière de présentatrice télé. Désormais, c’est elle qui fait passer d’autres femmes devant la caméra, leur montrant comment faire preuve d’assurance lors de présentations en public. Chez fenaco, elle donne des cours aux femmes afin de les encourager à occuper des postes de direction.

Christine Maier est avant tout connue pour sa carrière de présentatrice télé. Désormais, c’est elle qui fait passer d’autres femmes devant la caméra, leur montrant comment faire preuve d’assurance lors de présentations en public. Chez fenaco, elle donne des cours aux femmes afin de les encourager à occuper des postes de direction. 

Christine, tu es célèbre pour ta carrière télévisée. En tant que femme, a-t-il été difficile pour toi de décrocher un poste aussi médiatisé dans les années 1990 ?

J’avais certes été invitée à me rendre au premier casting, mais j’ai appris en arrivant au studio de télévision que la rédaction préférait un homme pour le poste. Ils n’avaient donc pas du tout prévu d’engager une femme comme présentatrice. Cette situation a plus été une force pour moi que l’inverse, et je me suis dit que puisqu’ils ne voulaient de toute façon pas de moi, je n’avais absolument rien à perdre. Débarrassée de toute pression, j’ai du coup réalisé un excellent casting. Quatre semaines plus tard, j’étais à l’antenne aux heures de grande écoute. 

Tu as toujours fait preuve d’autant d’assurance ?

Non, bien sûr que non. Le travail me paraissait plutôt facile, mais les réactions du public m’ont prise au dépourvu. Elles ont parfois été très vives, tant dans le négatif quand dans le positif. Je n’y étais pas du tout préparée. A l’époque, comme il n’existait qu’une seule chaîne suisse alémanique, je suis devenue célèbre du jour au lendemain et j’ai fait la une des plus grands journaux. J’étais sous la loupe : mes moindres faits et gestes faisaient l’objet de commentaires, de compliments et de critiques. Je n’étais encore qu’une toute jeune femme, et être ainsi sous le feu des projecteurs m’a stressée et intimidée. 

Malgré tout, tu as poursuivi ta carrière. Après avoir travaillé pour les télévisions allemande et britannique, tu es devenue animatrice de l’émission « Ziischtigs-Club » (club du mardi), aujourd’hui appelée « Club ». Pourquoi avais-tu tout d’abord refusé ce poste ?

A cette période, je me disais que cette émission n’était pas dans mes cordes. Les questions de politique et d’économie n’entraient pas encore dans mes principales compétences. Puis on m’a convaincue de faire un casting, lors duquel j’ai animé une table ronde passionnante avec des hommes et des femmes politiques, et je me suis dit : mais c’est génial ! Donc j’ai accepté le poste. Les deux premières années ont été rudes : j’ai dû beaucoup travailler pour acquérir les connaissances requises. A l’époque, on ne pouvait pas tout simplement faire des recherches sur internet pour se renseigner sur les invités et sur les sujets abordés. Il fallait laborieusement rassembler toutes les informations et conduire de longs entretiens préliminaires. Cela étant, ceux-ci s’avèrent encore très utiles aujourd’hui lorsque je dois préparer des discussions avec des spécialistes.

Aujourd’hui, tu dispenses des cours pour apprendre à gérer son trac. Tu avais toi aussi le trac à l’époque ?

Oui, un trac terrible. J’ai commencé l’émission en 2001. Or, à ce moment-là, le monde politique et celui de la finance étaient des milieux presque exclusivement masculins.  Et voilà qu’au beau milieu de ce petit monde apparaît Christine, la petite blonde. Les invités masculins étaient eux aussi quelque peu désarçonnés qu’une femme leur donne l’autorisation de parler. Mais je n’étais pas allée aussi loin juste pour échouer si tôt. C’était incroyablement stressant et je faisais des insomnies.

Comment as-tu géré la situation à l’époque ? 

Je suis allée voir une psychologue, qui m’a appris comment réagir face aux critiques. Je me suis alors rendue compte que les femmes avaient tendance à se focaliser sur les critiques négatives et à balayer d’un revers de la main les compliments. Je me suis donc entraînée à accorder la même importance aux deux, autrement dit à prendre les deux au sérieux ou bien plutôt à ne pas les prendre trop au sérieux, et à me concentrer avant tout sur les avis réellement constructifs.

Christine Maier
« Rien de plus passionnant que de faire bouger les choses par le leadership ! »

De nombreuses femmes grandissent dans des milieux aux schémas encore très traditionnels et assimilent donc qu’elles doivent plutôt se cantonner à des seconds rôles. Est-ce que ton cours permet d’apprendre comment surmonter ces barrières ?

Mon cours aide en premier lieu les personnes à prendre conscience de l’image qu’elles renvoient aux autres par le biais de l’attitude qu’elles adoptent. Se sentent-elles capables d’accomplir telle ou telle mission ? Se sentent-elles à la hauteur ? Et si elles ont l’impression de ne pas être à la hauteur, alors elles doivent travailler à changer leur perception d’elles-mêmes. C’est possible. Tout est dans la tête.

Peux-tu nous en dire plus ?

Il s’agit en fait d’accepter cette petite voix intérieure qui, comme chez tout le monde d’ailleurs, nous adresse des critiques et dont on ne peut se débarrasser. Cette petite voix fait partie de nous. Nous l’avons renforcée pendant des années. Elle est donc fortement ancrée dans notre esprit. C’est elle qui cause nos inhibitions et notre peur de l’échec, qui fait que nous nous sentons complexés et qui nous fait bafouiller, au lieu d’agir de manière décontractée en prenant plaisir à ce que l’on fait. La première étape consiste à prendre conscience de cette voix intérieure. Puis, dans un second temps, à lui opposer une petite voix qui va stimuler notre motivation et qui peut, avec le temps, devenir aussi imposante que la voix critique, si l’on en prend soin. Je ne peux pas expliquer plus en détail ici comment procéder, car cela prendrait trop de temps. C’est bien simple. Pourquoi croyez-vous que tant d’athlètes travaillent avec des préparateurs mentaux ? Parce que tout est une question de mental ! Imaginez que vous dévalez une piste de ski à toute allure pendant une course et que vous vous dites : « Je ne suis pas à la hauteur, en fait. Les autres sont bien meilleurs. Pourvu que je ne me casse pas la figure ! » Impossible de gagner dans ces conditions ! Il faut travailler sur son état d’esprit. Tout le monde en est capable.

Chez fenaco, tu donnes des cours « speak up ! » spécialement adressés aux femmes. Celles-ci ont-elles besoin d’autres modes d’entraînement que les hommes ?

Non. De nombreux hommes subissent aussi les critiques acerbes de leur petite voix intérieure et sont extrêmement complexés. Ils ont cependant tendance à gérer leur embarras d’une tout autre manière. La recherche nous apprend que les hommes sont en général plus indulgents envers eux-mêmes et qu’ils surestiment leurs performances. Ainsi, ils postulent fréquemment à des offres d’emploi pour lesquelles ils ne possèdent que 60 à 70 % des qualifications. Visiblement, ils se disent qu’ils apprendront le reste sur le tas ou qu’ils s’en sortiront bien une fois engagés. Et bien souvent, l’expérience leur donne raison. Les femmes ont plutôt tendance à se sous-estimer, à penser qu’elles n’y arriveront pas. Elles sont généralement bien plus dures, plus critiques avec elles-mêmes. Quoi qu’il en soit, elles postulent moins souvent à des postes pour lesquels elles seraient pourtant largement qualifiées. Il n’est pas rare que leurs supérieurs doivent les motiver et les pousser pour qu’elles se lancent.

Selon toi, les employeurs devraient-ils formuler différemment leurs offres d’emploi afin de mieux s’adapter aux femmes ?

Ce serait sans doute un premier pas intéressant… Je ne sais pas du tout. Comment procède fenaco ?

Nos RH se penchent sur la question actuellement. Chez fenaco, promouvoir des femmes à des postes de cadres fait partie de la stratégie sur le développement durable.

Il est sans doute important d’encourager davantage la relève si l’on veut vraiment que plus de femmes occupent des postes à responsabilités. Bien sûr, cela ne se fera pas du jour au lendemain. Et ce n’est pas si simple, car les jeunes femmes n’envisagent souvent même pas de prendre plus de responsabilités. Soit elles se disent qu’elles n’en sont pas capables, soit elles ne veulent tout simplement pas. On doit bien entendu respecter leur choix. Quoi qu’il en soit, je pense qu’une entreprise ne peut plus se permettre à l’heure actuelle d’être dirigée par un panel exclusivement masculin, car elles ne peuvent plus ignorer tous les appels à changer de paradigme.

Initiative « en avant » de fenaco

fenaco s’est fixé pour objectif d’augmenter la proportion de femmes à tous les niveaux des fonctions dirigeantes. Avec l’initiative « en avant », elle table sur un série complète de mesures qui abordent la promotion des femmes sous plusieurs angles. Il s’agit notamment, en sus des cours « speak up ! », d’événements de réseautage spécifiquement destinés aux femmes ainsi que d’ateliers pour cadres ou responsables RH ; ces ateliers visent à faire prendre conscience des biais implicites s’agissant de promouvoir les femmes et les hommes ainsi qu’à développer des stratégies concrètes pour attirer davantage de femmes à des postes à responsabilité. Enfin, ces mesures comprennent divers outils permettant aux femmes et aux hommes de trouver un meilleur équilibre entre travail et famille.

Que peuvent faire les femmes de leur côté pour se positionner plus efficacement sur le marché du travail ?

Premièrement, elles doivent être vraiment motivées. Elles doivent être prêtes à se dépasser, à s’investir et à montrer qu’elles veulent aller de l’avant. Attendre sagement d’être remarquée et encouragée, je ne pense pas que ce soit très efficace. Je recommanderais plutôt aux femmes de chercher un mentorat. Il est très utile de pouvoir échanger tant avec des hommes qu’avec des femmes qui servent de modèles ou qui occupent des postes de direction.

Quelle est la meilleure attitude à adopter, en tant que femme, lorsque l’on possède les compétences requises pour un poste de direction à pourvoir mais que l’on n’est pas retenue ?

Il ne faut pas hésiter à s’adresser tout de suite aux personnes responsables du recrutement afin de pouvoir comprendre pourquoi on n’a pas été retenue et quelles options s’offrent désormais à nous. Si l’on a l’impression de se retrouver dans une impasse, il faut mener une réflexion de fond. 

Qu’est-ce qui t’a motivée à suivre un tel parcours ?

J’ai toujours eu envie de disposer d’un fort pouvoir de décision, d’assumer des responsabilités, de faire bouger les choses, par exemple en matière de culture d’entreprise. Et ce n’était pas déplaisant non plus de gagner plus d’argent ! (petit sourire) Bien gagner ma vie m’a permis d’engager des personnes pour m’aider à la maison et, ainsi, de pouvoir passer plus de temps avec mes enfants.

Ton cours permet d’en apprendre beaucoup sur l’état d’esprit et sur l’image que l’on renvoie aux autres. Quels en sont les aspects les plus bénéfiques aux femmes ?

L’entraînement où l’on est filmé s’avère le plus efficace. Pourquoi ? Parce qu’il permet de prendre conscience de la différence de perception entre l’image que l’on a de soi et celle que l’on renvoie aux autres et, idéalement, de gommer cette différence. Les participantes sont filmées pendant qu’elles font une courte présentation devant le groupe. Certaines ont la boule au ventre à cette idée. Finalement, lorsque l’on passe en revue les vidéos, la plupart se rendent compte qu’elles ont fait une bien meilleure présentation que ce qu’elles imaginaient.  Par la suite, on apprend à mieux structurer sa présentation, à engager un dialogue avec l’auditoire, à gérer son stress et, surtout, à prendre plus de plaisir lorsque l’on se tient devant une audience.

Grâce aux réseaux sociaux, les jeunes femmes ont de moins en moins de mal à s’affirmer. Ont-elles tout de même besoin de ces cours ?

Oui, parce que le monde virtuel est construit autour de paradigmes très particuliers, qui ne correspondent pas au monde réel. Les jeunes femmes doivent aussi apprendre comment se présenter avec assurance devant un vrai public, comment vendre un projet à sa hiérarchie, comment mener des réunions de manière structurée. Toute personne qui ne ressent pas un plaisir inné à faire des présentations peut grandement bénéficier de ces cours.

De quel outil dotes-tu les jeunes femmes ?

De mes conseils. Relevez le défi. Portez-vous volontaires quand il faut faire une présentation. N’ayez pas peur de dire que vous souhaitez prendre plus de responsabilités.

Christine Maier a derrière elle trente années de carrière comme présentatrice télé sur des chaînes suisses et étrangères. Comme directrice d’émissions télé et comme rédactrice en chef du SonntagsBlick, c’était elle qui choisissait les sujets et les invités ou invitées qui faisaient l’actualité. Aujourd’hui, elle conseille des personnes occupant des postes de direction, anime d’importants forums économiques et propose des ateliers et des cours de coaching. Pour fenaco, elle donne régulièrement des cours « speak up » destinés aux femmes, et ce, depuis 2022.

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